mardi 3 août 2010

Chapitre 29 - Le meilleur des anxiolytiques -


Samedi 9 Janvier 




Je les entendais comploter et ça faisait bien dix minutes que ça durait maintenant. Ils croyaient sans doute que j’étais toujours sous la douche. Ils étaient tous les deux dans l’escalier et cherchaient le moyen de me sortir de cet état de léthargie qui s’était installé deux jours plus tôt lorsque j’avais appris le décès d’Elias. J’étais tout simplement amorphe. Sans réaction, sans émotion. Impassible. Une sorte de robot. Oui c’est ça un robot. J’aurais même pu regarder n’importe quel téléfilm de l’après midi sur M6 en restant parfaitement stoïque. Même celui intitulé sobrement Ben n’aura jamais 10 ans n’aurait pas eu raison de moi ! Ça avait du bon d’une certaine manière. La mort d’Elias, du moins son annonce, avait eu sur moi, une fois toutes mes larmes évacuées, l’effet d’une grosse piqure de tranquillisant. Comme ces fléchettes hypodermiques qu’on tire sur les animaux sauvages pour pouvoir les endormir. Et ils continuaient. Bon, je n’entendais pas tout  ce qu’ils se disaient mais les bribes que je pouvais saisir me suffisaient pour comprendre la teneur des propos de Boris et Norma.

...pas le laisser comme ça...

...Eurodisney ?...
...ciné ?...
...non, un resto !...
...chagrin...
...Elias...
...compréhensible...
...s’en sortir...

Ils étaient mignons tous les deux à vouloir à tout prix me sortir de cet état pas si désagréable. Je m’y étais même fait assez vite en fait. Et puis, je savais très bien que ça ne durerait pas toute ma vie. Il me fallait, comme je l’ai déjà dit, quelques jours, un petit mois tout au plus. Une petite période d’acclimatation afin d’assimiler le fait que je ne le reverrais plus jamais. Car, malgré tout ce que j’avais pu dire jusqu’alors, j’espérais qu’un jour, lui et moi, nous aurions pu devenir amis histoire de ne pas renier totalement les beaux moments que nous avions passés à deux. Et puis, nous devions bien ça à David Bowie. Après tout, nous étions ses parents et ça n’est jamais bon pour un enfant de voir ses parents se haïr. Ne dites rien, je sais, je vais un peu trop loin là...
J’avais retrouvé, un peu plus tôt ce jour-là, le cd qu’Elias m’avait offert lors d’une de ses dernières apparitions fantomatiques. Far de Regina Spektor. Je me souviens de ce jour où il m’était apparu. Un dimanche je crois. Oui, c’est ça, un dimanche. J’avais même fait le marché. Il était venu, avait pleuré, m’avait supplié puis avait laissé ce disque devant ma porte. Je l’avais posé sur mon bureau puis avait mis des dossiers, des papiers, des cahiers dessus... je l’avais enseveli, oublié et maintenant, je le ressortais et me demandais si je devais vraiment l’écouter. Je n’arrivais pas à me souvenir quelle chanson il voulait que j’écoute, quelle chanson lui faisait penser à moi. Quand viendrait le bon moment, je l’écouterais. Et à priori, ça n’était pas maintenant puisque Chapi et Chapo avaient fini leur conciliabule et franchissaient fièrement, un sourire légèrement forcé aux lèvres, la porte de l’appartement.

« Bon, mon chéri, Norma et moi avons un truc à te proposer.
- Allez-y, je vous écoute.
- On pourrait se faire un petit resto ce soir. Tu en penses quoi ? Ça fait longtemps non ?
- Mouais, je ne sais pas trop... On ne pourrait pas plutôt faire un truc ici ? J’ai pas très envie de sortir ce soir... On pourrait commencer à regarder la saison 2 de True Blood en sirotant du Chardonnay non ?
- Non, on ne peut pas Simon ! Il faut te bouger, ça ne peut pas durer comme ça !
- Attends Norma, ça fait juste deux jours...
- Oui et c’est déjà deux jours de trop ! Ça commence comme ça et puis deux jours se transforment en sept puis en vingt et ça ne s’arrête plus ! Crois-moi, je sais de quoi je parle !
- Elle a raison, il ne faut pas que tu t’enfonces comme ça. Elias n’aurait pas aimé ça.
- Qu’est ce que tu en sais toi ? La seule fois où tu l’as vu, tu l’as foutu dans le robec ! Et puis j’ai pas envie que tu en parles ! Ce n’est pas contre toi mais comprends-moi, ça me fait vraiment bizarre.
- Excuse-moi, je n’aurais pas dû. Bon on sort alors ? S’il te plait, pour nous faire plaisir.
- Non, franchement, je ne suis pas sûr... Et puis on va aller où ? Sans parler du fait qu’on n’a pas trop de thunes en ce moment.
- J’ai plein de tickets restaurant à utiliser ! On s’en fout, menons la grande vie, c’est ma tournée !
- Le temps est merdique en plus. Non mais sérieux, vous avez vu le temps qu’il fait ?
- Tu vas énumérer toutes les excuses possibles ? Ensuite, ça va être quoi ? Il y a une émission de Patrick Sébastien que tu ne veux surtout pas louper ? Allez, va t’habiller. Tu vas attraper froid si ça continue.
- Ah oui merde, j’ai zappé que j’étais encore en serviette. Désolé Norma.
- T’inquiète, j’en ai vu d’autres.
- Et vous voulez qu’on aille où alors ?
- Un petit resto rue martainville que Boris a testé l'autre jour avec Andreas.
- Vous voulez qu’on aille là ? Ça a l’air bof... C’est bien pour un midi un truc comme ça.
- Ouh la, attention, Simon chipote. On essaye de faire tout ce qu’on peut pour que tu ailles mieux et toi, tu chipotes !
- Comme à son habitude, j’ai envie de dire... Il aime bien faire la fine bouche. Comment tu peux dire ça alors que tu n’y as jamais mis les pieds ?
- Non mais c’est vrai. Me forcer à sortir par ce temps, pour aller là, ça ne me tente pas des masses...
- Fais-moi confiance. C’est vraiment sympa. On est ailleurs quand on va là-bas. Et puis c’est pas loin, en cinq minutes on y est. On ne trouvera pas aussi sympa plus près.
- Et on y mange quoi dans ton super resto ?
- Tu verras bien ! Allez beau gosse, va t’habiller! On décolle dans trois minutes.»

Temps glacial. Rouen était devenue un congélateur géant et moi, un Mister Freeze périmé. Neige fondue. Un temps à rester chez soi sur une peau de bête, devant un bon feu de cheminée et ce, même si de nos jours peu de gens ont une cheminée en état de fonctionner [et une peau de bête aussi... et ça, c’est peut-être pas plus mal...]. Un temps à manger une raclette. Ou une fondue savoyarde. Ou non, mieux, une tartiflette  avec plein de reblochon qui dégouline ! Bref, vous l’aurez compris, j’étais vraiment motivé à sortir et à manger un truc sain et léger.
« J’ai super envie d’une tartiflette. Il y en a où tu nous emmènes Boris ?
- Je ne crois pas. Mais peut-être que je me trompe. En tout cas, il y a plein de trucs trop bons vous allez voir.
- C’est nul. Franchement ça me saoule de sortir là. Et puis je me gèle les miches.
- Cache ta joie. On fait ça pour ton bien alors fais au moins style tu apprécies.
- Non mais je sais. C’est juste que j’avais envie d’une tartiflette moi...
- T’es vraiment un sale gosse Simon.»

Les Souvenirs de Marinette, puisque c’est le nom du restaurant où nous allions dîner, possédait une devanture vert-amande qui ne payait pas de mine. Je crois bien qu’avant ça, je ne l’avais même jamais remarquée. Dès l’entrée, une vague de chaleur m’enveloppa. Pas une chaleur étouffante ou moite qui vous fait vous sentir mal ou transpirant. Non, là c’était une chaleur réconfortante, une chaleur qui voulait dire « entrez et surtout soyez les bienvenus », une chaleur de celles que je n’avais plus ressentie depuis que j’étais petit, en vacances dans la maison de mes grands-parents. J’eus un sentiment étrange à ce moment. Je me sentais comme chez moi.
Le restaurant en lui-même tenait dans un mouchoir de poche. Comme dans une maison de poupées. Sept tables, toutes décorées d’une manière différente. Les nappes étaient tantôt rose indien, tantôt orange. Il y avait des chandeliers, des bouquets de fleurs. Les chaises étaient recouvertes de gros coussins dans les tons violets. D’anciennes publicités pour du parfum ou du savon étaient  accrochées aux murs. Au fond de la salle, juste avant une pièce qu’on pouvait deviner comme étant la cuisine, il y avait un bar recouvert de vieux flacons, de bonbonnières et une cloche en verre recouvrait une tarte au citron meringuée. Pour la première fois en trois jours, je me sentais apaisé comme si la simple vue de cette salle avait endormi la colère et le sentiment d’impuissance qui m’étreignaient et m’empêchaient d’être tout simplement vivant.


« Bonsoir ! Vous revoilà déjà ? Vous ne pouvez déjà plus vous passer de mes bons petits plats ?
- J’avoue qu’une fois qu’on y a goûté, c’est difficile de ne pas revenir. Je voulais faire découvrir cet endroit à mes amis.
- Vous me faites vraiment plaisir en tout cas. Mettez-vous à l’aise et installez-vous où bon vous semble, vous voyez ce soir, vous avez l’embarras du choix. Le froid en a découragé plus d’un je pense. Je vous laisse deux petites minutes, je dois vérifier que tout se passe comme il faut dans mes casseroles. »

La propriétaire du restaurant était une femme d’une cinquantaine d’années qui tout comme son restaurant semblait posséder une chaleur intérieure assez incroyable. Elle était plutôt grande avec de beaux yeux bleus. Ses cheveux d’un noir intense étaient coiffés en chignon par-dessus lequel elle avait noué un turban turquoise. Elle avait de nombreux bracelets tous d’une couleur différente qui unissaient leurs tintements en une mélodie entêtante. C’était moi ou j’avais l’impression qu’elle m’avait ensorcelé ? Peut-être qu’elle était une fée venue tout droit de la forêt de Brocéliande ? [mon côté breton refait toujours surface à un moment ou à un autre]. Nous choisîmes la table près de la vitrine, non pas qu’on ait voulu espionner et critiquer les passants puisqu’il n’y avait absolument personne. Un joli bouquet de fleurs rouges que je présumais être de pivoines trônait au centre de la table. La nappe était d’un beau rose, pas le rose niais des petites mamies. Deux bougies faisaient briller nos yeux. Sans m’en rendre compte, mon sourire était revenu.


« Alors, finalement ça te plait mon chéri ?
- Je suis étonné qu’un tel endroit puisse exister à Rouen... Je ne sais pas quoi dire en fait... Désolé d’avoir fait mon chieur.
- On a l’habitude t’en fais pas. En tout cas, c’est clair, c’est magique comme endroit. On dirait un décor de cinéma. C’est con que Justin n’ait pas pu nous accompagner.
- Oui d’ailleurs, il est où Justinounet ?
- Justinounet est au Havre pour le week-end.
- Aïe, je le plains. Et toi, tu vas survivre deux jours sans lui ?
- Oh, ça va. Je n’en suis pas à ce point-là non plus ! On peut quand même passer un week-end loin l’un de l’autre. Je suis indépendante, ne l’oubliez jamais les mecs !
- Indépendante peut-être mais on ne peut pas dire qu’on te voie beaucoup en ce moment.
- Dis-le si tu préfères que je devienne une vieille fille aigrie qui passe ses journées à se morfondre et à rouspéter dans sa moustache !
- Bon, vous n’allez pas remettre ça sur le tapis ! On est là pour passer une bonne soirée. Tranquille, posée et surtout po-si-ti-ve ! Et non Norma, on ne veut pas que tu deviennes une vieille fille à la pilosité problématique. On est très heureux pour toi et Justin. Pas vrai Simon ?
- Tout va bien ? Vous êtes bien installés ?
- Oui c’est parfait. Avant de se battre comme des chiffonniers, mes amis me disaient qu’ils étaient tombés sous le charme de cet endroit.
- Ah c’est vrai ? Vous m’en voyez ravie.
- Oui. On est comme dans un petit cocon ici, c’est étrange comme sensation. Etrange mais réconfortant.
- C’est fait pour. Et si ça vous redonne le sourire alors c’est tant mieux.
- Ça se voyait tant que ça que je n’avais pas le sourire ?
- On va dire que j’ai du nez pour ces choses-là. Alors, ce soir, j’ai préparé une blanquette de veau. Elle a mijoté tout l’après-midi.
- Oh mon dieu. Ça fait tellement longtemps que je n’en ai pas mangé ! Ça vous tente vous ?
- Sinon il y a la carte habituelle. Je vous l’apporte si vous préférez.
- Oh non. Moi, ça me va la blanquette. Et toi Norma ?
- Pareil. Je vais prendre ça aussi. En plus, j’en ai jamais mangé, c’est l’occasion.
- Quoi ? Jamais, jamais ?
- Ben non, je ne crois pas... Arrêtez de me fixer comme ça ! Je ne suis quand même pas la seule à n’avoir jamais mangé de blanquette.
- Alors, je suis heureuse que la première blanquette que vous allez manger soit la mienne. Il faudra faire un vœu.
- Promis. Je sais déjà ce que je vais demander.
- Alors on dit trois blanquettes. Et je vous apporte un petit apéritif offert par la maison. Vous aimez tous le kir ? »

Ce dîner démarrait de la meilleure des façons. En fait, je ne me sentais pas au restaurant. Depuis que nous avions franchi le seuil, à aucun moment, je ne m’étais senti au restaurant. J’étais bien, heureux, détendu. J’avais oublié Elias, Béatrice, mes élèves, les moins cinq degrés dehors.  Cet endroit valait tous les xanax, prozac ou je ne sais quel autre truc du genre.


« Tiens j’ai croisé Barthélémie tout à l’heure en allant chercher le courrier. Il s’est même fendu d’un ‘bonjour’ pour une fois... Je le sens pas du tout ce type. En deux mois, il a dû prononcer deux mots.
- C’est une bonne moyenne.
- J’avais pensé l’inviter à une petite soirée histoire qu’on fasse vraiment connaissance. Vous en pensez quoi ?
- Sincèrement Norma, tu crois que c’est une bonne idée ? Et puis est-ce qu’il acceptera ?
- Je peux toujours tenter. On verra bien. Clara m’avait pourtant assurée qu’il était sympa. Timide mais sympa.
- Essaie, tu verras bien. Tiens en parlant de Clara, j’ai eu des nouvelles de Pierre. Tu lui as dit pour Elias ?
- Ben oui. Tu m’as appris la nouvelle le jour où je l’ai eu sur Skype alors je le lui ai dit.
- Ah ok, je croyais que tu l’avais appelé exprès pour  ça. En tout cas, ça a l’air de vraiment bien se passer là-bas. Il va peut-être devenir barman dans un club, il te l’a dit ?
- Il m’en a vaguement parlé. Il m’a surtout parlé de son histoire d’amour avec Barbara. Il a l’air super accro, ça fait plaisir. Ah, et il m’a demandée quand est-ce qu’on comptait venir lui rendre une petite visite.
- Franchement, pour le moment, c’est pas trop envisageable... Ça m’emmerde mais financièrement je ne sais pas quand on pourra se permettre une telle dépense. Il nous faudrait au moins 2000 euros !
- Je vais trouver du taf, ne t’en fais pas.
- Je ne m’en fais pas mais il ne faudrait pas que ça tarde trop... Dans un mois, la situation va commencer à craindre un peu.
- Tout se passe comme vous voulez ?
- Oui. Parfaitement bien Madame.
- Oh, s’il vous plait, ne m’appelez pas Madame. Ça me fait me sentir encore plus vieille. Appelez-moi Marinette, ça sera amplement suffisant.
- D’accord. Mais à une seule condition, que vous me disiez ce que vous avez mis dans vos petits feuilletés ? Ils sont à se rouler par terre.
- Ben, vas-y Boris. On te regarde faire, divertis-nous.
- C’est un secret. Je ne peux pas tout vous révéler. Du moins, pas pour le moment...
- Il y a de l’origan et du piment d’Espelette, non ?
- Oui, tout à fait. Je vois que vous avez un palais bien exercé.
- Ce que Boris oublie de vous préciser c’est qu’il est un cuisinier hors pair.
- Ah oui ? Pourquoi tant de modestie alors ? Il va falloir me raconter tout ça. Je vous sers du riz avec votre blanquette ou vous préférez des pâtes fraîches ? »

La neige se remit à tomber vers 22h. Une véritable tempête dehors. Et toujours pas de client hormis nous trois. La blanquette de Marinette était effectivement un régal. Peut-être que ce mot n’est d’ailleurs pas assez fort. Chaque bouchée était une caresse, un concentré de bonheur. La viande fondait sur ma langue, la sauce émoustillait mes papilles et le riz avait une saveur jusqu’alors inconnue. Comment faisait-elle ? Quel miracle accomplissait-elle derrière ses fourneaux ? Peut-être n’avait-elle-même pas de fourneaux mais simplement une grosse marmite comme aurait eu une gentille sorcière ? La bouteille de Chinon que nous avions commandée aida les bougies à faire briller nos yeux. Tout était comme ça aurait toujours dû être. Peut-être manquait-il simplement Elias. Il aurait aimé cette blanquette. Ce restaurant. Cette femme.

« T’es sûr que ça va mon chéri ? T’as l’air tout pensif d'un coup.
- Oui, oui, ça va. J’étais juste en train de me dire qu’Elias aurait aimé cet endroit.
- Ah oui ? D’un autre côté, comment pourrait-on ne pas aimer cet endroit ?
- C’est clair. On s’y sent tellement bien. J’ai l’impression d’être chez une vieille tante.
- Chut ! Si Marinette entend le mot ‘vieille’, elle va te foutre dans le prochain plat du jour !
- En tout cas, je n’ai jamais mangé quelque chose d’aussi bon. J’étais proche de l’orgasme.
- T’as eu plus de plaisir qu’avec Justin ?
- Très drôle ! C’est juste pas le même plaisir mais je ne vais pas vous faire un dessin même si vous êtes des sales pédés vous savez de quoi je parle...
- Charmant...
- Oh, on ne peut même plus rire. Vous avez vu ce qu’il tombe dehors ? On ne va jamais pouvoir rentrer chez nous...
- On va être obligés de rester là jusqu’à la fin de l’ère glaciaire. Notre vie est trop dure...
- C’est cool la musique qui passe, je me demande bien ce que c’est.
- C’est du Bon Iver. J’ai l’album à l’appart. Je te le prêterai si tu veux.
- Ah ouais, j’aimerais beaucoup. Ça colle parfaitement à l’ambiance je trouve.
- Oui, on pourrait presque être dans un de ses clips ici.
- J'ai une idée d'un coup là ! On pourrait aller voir Justin demain. Vous en pensez quoi ?
- Aller au Havre, par un temps pareil ? Ça va être glamour... T’en as envie toi Boris ?
- Pourquoi pas ! Ça pourrait nous aérer la tête. Et puis, on pourrait aller visiter le musée des Beaux Arts. Avec un peu de chance on croisera Emmanuel, le guide sexy.
- Il t’a marqué celui-là ! J’aimerais bien savoir à quoi il ressemble...
- Ouais moi aussi, je suis un brin curieuse sur ce coup-là.
- Bon, c’est d’accord, allons nous dandiner au Havre demain et allons au musée surtout !
- Cool ! Il doit y avoir un train vers midi, je regarderai en rentrant. Justin sera content de nous voir.
- Un petit dessert pour terminer tout ça en beauté ?
- Avec plaisir. Je vois la tarte au citron meringuée qui me fait de l’œil depuis tout à l’heure.
- Sinon, il y a de la mousse au chocolat, du far breton, des profiteroles entièrement maison ou de la crème brulée. Comme vous voulez. Je vous laisse réfléchir un instant et je reviens.
- Ah sinon, je voulais vous remercier.
- Mais de quoi jeune homme ?
- Appelez-moi Simon. Vous remercier de cette soirée, de cette atmosphère et de cette blanquette. Même ma grand-mère ne la fait pas aussi bien.
- Je ne sais pas quoi dire. C’est un sacré compliment que vous me faites là Simon. Une chose est sûre, vous avez repris des couleurs et c’est tant mieux.
- C’est grâce à cette parenthèse enchantée. Alors encore une fois merci Marinette.
- Ne me remerciez pas. Vous allez voir, touts vos soucis vont s’arranger. Bon, assez bavardé ! Je parle, je parle mais comme disait ma mère le tricot n’avance pas ! »

Notre choix se porta sur la tarte au citron meringuée. Elle était bien trop appétissante pour qu’on puisse la laisser sous sa cage de verre. Puis, une seconde bouteille de Chinon plus tard et il était temps pour nous de quitter Marinette et ce lieu magique. La neige avait cessé, nous n’avions donc plus aucune excuse pour rester jusqu’au bout de la nuit. Avant de refermer la porte, nous fîmes la promesse de revenir très vite. Ne serait-ce que pour un café. Cette promesse ne serait pas dure à tenir, croyez-moi.

« Merci vraiment Boris de nous avoir emmenés ici.
- De rien mais je n’ai pas fait grand-chose. Merci à toi surtout de nous avoir invités.
- Ouais, c’est clair merci darling.
- Il fallait bien ça pour te remonter le moral. Et puis ça me fait plaisir d’inviter les hommes de ma vie.
- Vous êtes adorables tous les deux. Enfin, ce n’est plus à prouver ça et ne vous en faites pas, je vais me remettre. Il me faut juste un petit temps d’adaptation.
- On le sait ça. C’est juste qu’il faut que tu te dises que la vie continue même si c’est injuste et difficile.
- Mais la vie va continuer, je le sais ça. C’est seulement que je dois définitivement tirer un trait sur un morceau de mon passé et ça fait mal. Le pire c’est que j’étais certain d’avoir déjà tiré un trait sur Elias et en fait, non. Cet événement me fait réaliser que c’était loin d’être le cas... Mais promis, je ne vais plus abuser de cette situation trop longtemps. Je me sens déjà mieux ce soir.
- Tu peux compter sur nous dans tous les cas. On sera là. Pas vrai Boris ?
- Ben oui, évidemment qu’on sera là.
- Bon toujours ok pour Le Havre demain ? Je regarde les horaires et je vous redis ça ! Passez une bonne nuit les amigos.
- Toi aussi Norma et encore merci pour tout. Oh, mais attends ! Tu ne veux pas venir mater les premiers épisodes de True Blood ? Juste deux ou trois. Depuis le temps qu’on doit se faire ça.
- Si tu me prends par les sentiments ! Comment pourrais-je résister ?
- Cool alors ! Parce que j’ai vraiment pas envie de dormir pour le moment. J’ai l’impression d’avoir à rattraper quelques heures perdues à ne rien faire. Vous voyez, je guéris déjà. »

En rentrant à l’appartement et alors que Norma et Boris préparaient du pop-corn [une soirée True Blood ne s’improvise pas, sachez le !], je vérifiais mon portable que j’avais fait exprès d’oublier tout à l’heure. J’avais deux messages. Le premier venait de Hedi.


Hey Dear !
Juste pour vous dire que nous sommes bien rentrés de notre petit périple.
Ça va vous ? On pourrait se voir le week-end prochain ?
Paris ou Rouen ?
Ça fait longtemps non ?
Bisous. Bisous à Bo.
Take care tous les 2.

Je lui répondrais plus tard pour lui dire qu’une petite virée à Paris pour les voir lui et Thad me paraissait une magnifique idée. Ils me manquaient vraiment ces deux-là.Trois semaines sans les voir alors que nous avions passé presque tout notre automne ensemble, c’était beaucoup trop d’un coup pour mon petit cœur qui, d'ailleurs, battait à nouveau depuis quelques minutes.

Le second message maintenant. Avant même de l’ouvrir je me doute de son contenu. Numéro inconnu. J’appuie sur OK. Les battements de mon cœur s’intensifient.


Désolée de ne pas t’avoir envoyé ce message plus tôt.
L’enterrement a lieu lundi à 11h.
Eglise Saint-Vivien.
J’espère te voir.
Béatrice.

Je ne pleure pas. Je me sens juste tout drôle. Je les entends rire dans la cuisine, j’ai envie de les rejoindre. Je réponds  simplement un ‘Je serai là’ puis éteins mon téléphone. Une nouvelle fois, tout se bouscule dans mon crâne. Qui va m’accompagner ? Qui vais-je revoir ? Et si je me mets à pleurer ? Et si je vois son enfant ? D’ailleurs, comment s’appelle t-il ? Trop de questions d’un coup. Une seule chose m’apparaît sûre et certaine, je sais d’ores et déjà où j’irai lundi midi pour me remettre de mes émotions et étouffer ce chagrin si dur à minimiser.
 

  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire