Samedi 19 Septembre
Pas un poil de stress. Rien. Même pas une toute petite boule, pas plus grosse qu’un pois chiche, nichée au creux du ventre. J’avais officiellement 26 ans depuis deux jours et je le vivais bien. Bon, évidemment, le temps file et il va falloir que je passe la 3ème si je veux, à 30 ans, avoir fait tout ce qu’il y a sur cette liste que j’avais dressée le jour de mes 20 ans. Car, hormis le fait qu’effectivement j’avais vu Madonna en concert et que j’avais visité la Toscane, le reste était loin d’être accompli. Pas de panique, il me restait encore quatre ans. Et puis, je n’y avais pas mis tant de choses que ça. Il y avait : aller à New York, rencontrer Carrie Bradshaw [d’accord, ça va être dur…mais au pire si je vois Sarah Jessica Parker, ça sera déjà pas mal], visiter le Machu Picchu, caresser un koala [même si, il paraît qu’en fait, c’est plutôt teigneux ces bestioles], nager avec un dauphin… [oui, je sais ce que vous vous dites, je suis très nature comme garçon…chut, c’est un secret]. Bon, il y avait aussi tourner dans un film bourré d’effets spéciaux ridicules, avoir un job de rêve qui me rapporte une fortune et embrasser James Franco [oui, toujours lui…]. Je dois sûrement en oublier. Je n’avais pas écrit si peu de choses… Si seulement je pouvais attraper mon sac avec mon portefeuille. La liste est dedans. Abîmée mais dedans. Et ça faisait une éternité que je n’y avais pas jeté un coup d’œil.
« S’il vous plait, ne bougez pas autant. Vous êtes là pour vous relaxer.
- Oui, désolé. Je vais me tenir à carreaux promis. »
Ah oui, je ne vous ai pas dit, là, je suis en train de me faire masser. Et c’est assez orgasmique. Je suis dans un salon de beauté pour hommes qui se trouve dans ma rue. Men Zen ça s’appelle. Et je suis plutôt zen en effet. C’est mon cadeau d’anniversaire de la part de Norma. Un soin de deux heures comprenant gommage complet du corps, soin des mains, des pieds, du dos et du visage et, pour finir, un massage de trente minutes. Comme je disais, c’est mon cadeau d’anniversaire mais aussi la meilleure façon de me faire déguerpir de mon appartement pendant que Boris, Clara, Thad, Norma, Eléanore et Sara sont en train de redécorer mon appartement avec tellement de couleurs qu’à côté un défilé Jean Charles de Castelbajac passerait pour l’œuvre de la Famille Addams. Et je crois bien que ce soin zen est plus qu’approprié parce que je ne peux pas m’empêcher de me demander dans quel état je vais retrouver mon appartement. Et ça, je ne vais malheureusement pas le savoir tout de suite puisqu’en sortant de l’institut, mon bien-aimé m’attendra et m’emmènera je ne sais où. Cet anniversaire promet d’être mémorable.
« C’est votre anniversaire aujourd’hui c’est ça ?
- Oui. Enfin, c’était jeudi mais ce soir c’est ma soirée d’anniversaire.
- Et vous organisez quelque chose en particulier ?
- Moi non mais mes amis oui. Ils sont en train de décorer mon appartement là.
- Ce sont de sacrés amis que vous avez là.
- Et encore, vous êtes loin du compte en disant ça.
- Vous avez beaucoup de chance.
- Oh oui. »
C’est vrai que j’ai de la chance. Je crois bien que ça va être la première fois que je vais avoir un vrai anniversaire digne de ce nom. Promis, je ne vais pas vous refaire le quart d’heure pleurnichard mais par le passé, mon anniversaire semblait toujours tomber au mauvais moment. Par exemple, le jour de mes 7 ans, j’étais cloué au lit avec la scarlatine [non, je n’avais pas 7 ans au 13ème siècle, on peut toujours choper la scarlatine, je vous assure]. A mes 8 ans, ma mère était à l’hôpital, soignée pour dépression. J’ai vécu mon 11ème anniversaire dans les cartons. On quittait Nantes pour vivre à Rennes. Mes 13 ans furent un fiasco. Ma mère m’avait organisé une boum. Ça partait d’un bon sentiment. Le banga et l’oasis pomme-cassis coulaient à flot. On dansait sur de la mauvaise dance commerciale comme seules les années 90 savaient produire. Franchement, tout commençait plutôt bien. Les cinq personnes que ma mère avait invitées, étaient venues. Et puis, un moment, ils ont voulu aller dans ma chambre. Et là, ils y ont vu ma collection de miniatures de parfums, tous les posters d’Edward aux mains d’argent sur les murs et surtout, ils ont vu, juste au-dessus de mon bureau la photo de Johnny Depp que j’avais entouré d’un gros cœur au fluo rose. Et là, comment dire, ils ont commencé à me trouver bizarre et la fête a vite tourné court. Je crois que cet anniversaire est mon pire souvenir. Enfin, jusqu’à mes 20 ans. Mon frère était mort depuis moins de trois semaines alors autant dire que je n’avais pas trop le cœur à faire la fête. Mes 20 ans, je les ai passés à écrire sur la plage de Saint-Malo [entre temps nous avions quitté Rennes pour Saint-Malo] avec pour seule compagnie une bouteille de rhum bon marché qui m’avait filé une migraine mémorable. Il a fallu que j’attende mes 24 ans pour avoir un vrai bon anniversaire. J’étais avec Elias et Norma. Nous avions bu du champagne, mangé un énorme gâteau digne des séries américaines [un truc d’une couleur improbable qui aurait certainement beaucoup plus à la mère de la Nounou d’Enfer] et puis ce jour-là, Elias m’avait offert un magnifique cadeau. Un cadeau qui laisse quelques poils, qui fait quelques conneries mais qui fait maintenant partie intégrante de ma vie. Mon chat. Mon David Bowie. Je me souviens encore de sa petite tête et de ses ridicules et minuscules miaou. Ce jour-là, c’est bête à dire, mais j’avais l’impression que les années de merde étaient derrière moi. L’année suivante, j’avais fêté mes 25 ans avec Elias. Juste lui et moi. Nous étions allés à Paris, avions fait quelques folies, avions bu quelques verres à Bastille et avions fini dans une petite chambre d’hôtel qu’Elias avait réservée à Montmartre. Cette nuit-là, nous n’avions pas dormi. Nous étions restés collés l’un à l’autre comme si demain n’arriverait jamais. Je vois encore nos corps soudés, emmêlés. A ce moment, je n’imaginais certainement pas que quelques mois plus tard, il quitterait ma vie avec perte et fracas.
Heureusement que ma vie ne se résumait pas à cette unique journée dans l’année sinon je crois que le bilan serait plus négatif que positif. Heureusement que maintenant ma vie avait pris une toute autre direction et que désormais, j’en fais le serment, chacun de mes anniversaires serait plus merveilleux que le précédent. Et puis ce soir, j’allais enfin pouvoir laver l’affront de cet anniversaire de 1996. Cet anniversaire où les gens, mes invités, avaient découvert ce que j’essayais de cacher. Enfin, ce soir, pour ma vraie première boum, mes invités savent qui je suis et cerise sur le gâteau, la plupart sont comme moi. N’est-ce pas fantastique ? Ce soir, même s’ils vont dans ma chambre et qu’ils découvrent ma collection de Têtu, bien empilés dans un coin, je sais que ça n’aura strictement aucune conséquence.
A 15h, après ce soin divin qui me donnait l’impression d’avoir à nouveau 18 ans [oui, j’aime parler comme si j’avais 77 ans], Boris m’attendait comme convenu, un bouquet de tulipes à la main. Elles étaient magnifiques. Roses, oranges, jaunes, rouges. Et lui, était plus que magnifique. Chaque jour, j’essayais de trouver un nouvel adjectif pour le décrire mais là, j’avais épuisé mon stock. On n’avait pas encore inventé le terme le caractérisant le mieux. Je vais me contenter de dire qu’il était juste Boris [j’aurais pu écrire Beau-ris mais ça aurait été bien trop facile]. Pour l’occasion et non pas qu’il soit mal habillé habituellement, il portait un slim noir, une chemise en jean cintrée et des bottines bien cirées. Il était à tomber.
« Alors ? C’était comment ? T’as l’air sur un nuage.
- C’est en te voyant que je suis sur un nuage. Mon chéri, tu es sublime.
- Arrête ton char Simon. Bon, tu es prêt à me suivre ? Il nous reste encore cinq bonnes heures à passer avant de rentrer.
- Cinq heures ! Tout ça ?
- Oui. Mais ça va passer vite et je ne te parle pas du résultat. Tu vas être sur le cul. Bon, notre chauffeur doit s’être garé dans les parages.
- Notre chauffeur ? Vous avez loué un chauffeur ?
- Oui. Ah, viens, il est là-bas ! »
Boris avait demandé à Virgil de jouer le chauffeur et de nous conduire à la destination secrète. La dernière fois que j’avais vu Virgil n’avait donc pas été une exception, il était toujours aussi gentil, simple [même s’il roulait dans un 4x4 qui devait coûter l’équivalent de deux ans de salaire de prof] et charmant. Il devenait séduisant ou c’était moi ? [ça devait être moi et ma propension à trouver à peu près tout le monde sexy...]
« Et sinon, vous ne voulez vraiment pas me dire où vous m’emmenez ? Ça pourrait un peu être assimilé à du kidnapping ce que vous êtes en train de faire là !
- Pas grave. On prend le risque. Non, tu ne sauras pas. Tu verras bien. D’ici une heure, nous y serons.
- Ah, donc on ne quitte pas le pays ? Ouf.
- T’en sais rien. Je conduis tellement vite et bien que dans une heure peut-être nous serons en Belgique ou en Suisse.
- Mais oui, bien sûr. J’ai le droit d’envoyer des textos au moins ?
- Oui mais ça va être dur vu que tu as oublié ton portable à l’appart.
- Et tu ne me l’as pas ramené ?
- Non. Ça peut pas te faire de mal de te déconnecter un peu.
- Et c’est toi qui dis ça.
- Ouais c’est clair Boris, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Mr Mon I-Phone Est Toute Ma Vie
- C’est faux ! Bon et puis toi d’abord, contente-toi de conduire. Qu’est-ce qu’on a comme mal avec le petit personnel de nos jours ! »
Au bout d’une bonne heure de conversations de cet acabit, enfin, nous arrivions. Bon, je ne savais toujours pas où nous arrivions puisque Boris m’avait mis un bandana sur les yeux environ 20 minutes auparavant, mais je sentais l’air de la mer. Au moins un truc que m’avait appris le fait d’être breton.
« Ça y est, je peux enlever ce machin ?
- Non, attends encore deux petites minutes.
- Bon, je viens vous rechercher dans deux heures. Il est 16h20 donc on dit 18h20 ok ?
- Impeccable.
- Tu ne restes pas Virgil ? Je me sens bête avec ce truc sur les yeux...
- Je vais aller faire quelques courses pour ce soir et puis Boris veut que je vous laisse en amoureux. Allez, amusez-vous bien les enfants ! Et pas de bêtises. »
Puis Boris m’a redonné la vue. Il faisait beau, le soleil illuminait nos visages. On entendait le rire sarcastique des mouettes. Il y avait des gens, des voitures, du bruit. Un bruit doux, supportable. Nous étions à Etretat. J’aimais Etretat. La dernière fois que j’étais venu ici c’était avec Pierre, il y avait un mois environ. Quel plateau de fruits de mer nous avions mangé ce jour-là ! Quelques marches à monter et ça y est, nous faisions face à la mer. C’était toujours la même chose. En me trouvant à Rouen, j’avais la conviction que la mer n’était pas si importante pour moi et dès que je me retrouvais face à elle, je me demandais comment est-ce que je faisais pour vivre sans elle. Toujours la même histoire. Elle était belle en plus. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle est encadrée par des falaises d’un blanc laiteux, mais ici, elle a toujours une couleur extraordinaire. J’étais amoureux de la mer, de cette plage, de ces minuscules galets plus doux que des joues de bébé. Un jour, Boris et moi, nous habiterons ici. Je nous imagine bien ici pour nos vieux jours.
« Alors ça te fait plaisir ?
- Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir.
- Je sais que tu adores cet endroit. Tu veux une glace avant qu’on aille se poser sur la plage ?
- Je ne sais pas trop… Ok mais seulement s’il y a parfum schtroumf !
- C’est quoi ce parfum ?
- Un truc d’un bleu bizarre qui a un goût bizarre. C’est à l’amande je pense. Ça me rappelle tellement de trucs les glaces au schtroumf ! J’adore ça. »
Deux cornets de glace au schtroumf plus tard, nous nous asseyions sur la plage.
« Merci beaucoup de m’avoir amené jusqu’ici. Je vis un anniversaire de fou cette année.
- Tu le mérites, crois-moi. C’est bon cette connerie.
- T’as vu ? Même si je trouve que le goût est un peu différent maintenant. Peut-être parce que j’ai grandi... Je ne sais pas si je mérite tout ce que vous faites pour moi, mais une chose est sûre, ça me fait très plaisir. J’ai hâte de voir ce que les autres ont fait de notre appartement.
- Je pense que ça va être génial mais pour le moment, j’aimerais qu’on discute de certaines choses.
- Ouh la, tu me fais peur. C’est quoi ce ton solennel d’un coup ?
- Rien, c’est juste que j’ai envie de te parler, de te dire des choses qui me tiennent à cœur et que je trouve qu’aujourd’hui c’est le moment idéal. Et ici, l’endroit idéal.
- Tu vas me quitter c’est ça ? Et comme on va faire la fête et boire, je vais mieux le vivre ? Ou bien, non, attends, en fait tu m’as amené ici pour que je puisse me jeter du haut de la falaise.
- T’es con. C’est justement un peu tout le contraire.
- Ah oui ? Comment ça ?
- Oui. En fait, je trouve que ce jour est idéal pour te donner ça. »
Il sortit de sa poche une bague. Toute simple. De couleur argent. Pas de boîte juste cette bague entre ses mains. Il me regarda, me sourit, me prit la main et y passa l’anneau.
« Euh, je ne sais pas quoi dire là...
- Ne dis rien. Qu’est ce que tu veux dire de toute façon ?
- Non mais... euh... c’est en quel honneur ?
- C’est en l’honneur du bonheur que tu me procures. J’ai juste envie de t’offrir cette bague en retour.
- C’est rapide non ?
- Rassure-toi, ce n’est pas une bague de fiançailles. C’est juste une bague pour te dire que je t’aime.
- Je me sens con là.
- Pourquoi ? Il n’y a aucune raison.
- Elle est magnifique. Ça a dû te coûter une fortune.
- Elle était à ma grand-mère. Tu sais, mine de rien, les histoires de Thad l’autre soir, ça m’a trotté dans la tête. C’est important de transmettre les choses. A mes 20 ans, ma grand-mère m’a donné cette bague en me disant de l’offrir à la personne que je saurai être la bonne. Tu es la bonne personne. Et je n’ai pas envie d’attendre plus longtemps. Il n’y a plus de questions à se poser, je suis bien avec toi et je sais que c’est pour très longtemps.
- Tu vas me faire pleurer Boris.
- Oh non, on avait dit que tu arrêtais de pleurer.
- Merci. C’est moi qui devrais t’offrir une bague. Tu m’as sorti d’un trou noir tu sais. Je n’imaginais pas ça possible et surtout aussi rapidement. On se connaît depuis un mois et demi, j’ai l’impression que ça fait une éternité. Ça fait méga cliché mais c’est mon sentiment chaque jour qui passe. Moi aussi je suis bien avec toi tu sais. Avec toi, tout ce qui me pourrit l’esprit, j’ai l’impression que ça fait moins mal. Grâce à toi.
- Je sais ce que tu ressens, c’est pareil pour moi. Heureusement qu’Eléanore n’est pas là parce que sinon avec ce genre de phrases, elle ne nous louperait pas. Elle n’est pas trop serrée ? Je l’ai faite ajuster.
- Non elle est parfaite. C’est de l’argent ?
- Non, de l’or blanc. Tiens, tant que j’y pense, j’ai aussi un petit poème pour toi. Ça ne veut pas dire que j’ai envie de me remettre à écrire mais tu m’inspires donc voilà. Mais surtout, pas de pression pour que je recommence à écrire.
- T’inquiète pas mon amour, je commence à savoir qu’avec toi, la pression ne donne rien de bon. Tu veux que je le lise tout de suite ?
- C’est comme tu veux. Moi non plus je ne veux pas te mettre la pression.
- Alors oui, je vais le lire. Mais si je pleure, pas de remarque. Tu vas me tuer, tu le sais ça ?
- Mais non. T’es bien trop fort pour ça. »
Il n’y avait pas de titre à ce poème. Juste trois petits points puis Je t’Aime. Mon cœur battait plus fort que jamais.
Plan séquence
Un pas de danse
Improvisé
Un soir
Une fin d’été
Un bonheur
Qu’on voudrait à jamais
Une douleur
Qu’on tente d’oublier
Pour ne plus replonger.
Travelling arrière
Toi et moi
Enlacés
Inséparables à jamais
Ta main dans la mienne
Ma peine qui s’évapore
Je te veux encore
Et encore.
Et encore…
Et encore...
Zoom avant
Sur nous
Dans cent ans
Amis Amoureux Amants
Rien n’a changé vraiment
Ton sourire
Est mon oxygène
Ta chaleur
Mon moteur
Pour avancer
Continuer
Et croire en ce Nous
Pour des milliers d’années…
Il était sublime. Des larmes montaient, je les sentais. Pendant deux minutes, je ne dis rien. Ma gorge était serrée, je sentais ma lèvre inférieure tremblotait. Je regardais les vaguelettes allaient et venir puis le ciel, les falaises, les oiseaux. Je me sentais vivant plus que jamais. Je me sentais fort malgré mon aspect pathétique de grand garçon de 26 ans qui pleurniche. J’aurais pu déplacer les falaises en cet instant. Puis je me décidai à parler à nouveau. Des centaines de mots se bousculaient dans mon crâne.
« Ça va faire rengaine mais encore une fois, je ne sais pas quoi dire... En fait, tu fais tout ça pour que je me taise c’est ça ? T’as pas trouvé d’autres solutions ? Je suis plus que touché... Non, c’est même au-delà de ça. Je ne trouve pas mes mots là, je suis désolé.
- Ça te plait alors ?
- Encore une fois, c’est au-delà de ça. Tu sais ce que j’ai envie de faire là ? Hormis le fait de te prendre sauvagement là, tout de suite maintenant, de t’arracher tes vêtements avec les dents et de te hurler que je t’aime ?
- On peut faire ça non ?
- Je ne suis pas sûr que les mères de famille un peu coincées qui nous entourent soient franchement d’accord. Elles en avaleraient leurs serre-têtes en velours...
- C’est dommage.
- Là, j’ai envie de poser ma tête sur ton épaule, de te prendre la main et de regarder la mer. Voilà de quoi j’ai envie.
- C’est moins sauvage mais pas mal aussi. Et vous savez ? Je vous aime Simon Ellois.
- Moi aussi Boris Dentzig, je vous aime infiniment. »
Quoi dire d’autre ? Moi d’ordinaire si bavard, je ne savais plus quoi dire. Pas un mot n’avait l’air approprié à la situation. L’amour de Boris me clouait le bec, j’avais l’impression qu’aucune phrase ne serait à la hauteur des deux gages d’amour qu’il venait de m’offrir. Je savais qu’il tenait à moi mais on n’est jamais préparé à recevoir ce genre de preuves aussi vite qui plus est. Une bague et une déclaration d’amour qui clairement disait qu’il voulait construire sa vie avec moi et vivre avec moi jusqu’à ce que la mort nous sépare. Et mon nouveau côté optimiste [que je travaille jour après jour, vous vous souvenez ?] avait envie de le croire. Parce que bien évidemment, toute histoire d’amour qui se respecte, sous-entend qu’un jour ou l’autre, il y aura ce genre de phrases, ce genre de déclarations enflammées d’un avenir commun, long et prospère. Vous comme moi, on sait très bien que ça n’arrive que rarement finalement. Ce n’est pas toujours le compte de fées escompté et bien souvent, on est plus dans une version cheap des Feux de l’Amour que dans un remake 4 étoiles de Coup de Foudre à Notting Hill. Ne nous voilons pas la face. Mais étrangement, ce jour-là, j’étais convaincu que Boris prédisait l’avenir.
Comme prévu et avec une précision d’horloger suisse, Virgil apparut à 18h20. Malgré les regards peu approbateurs des gens autour de nous, je donnais la main à Boris et la serrais du plus fort que je pouvais. A 19h45, nous étions face à mon immeuble. J’entendais de la musique provenir de mon appartement. Tiga, Shoes. Il y avait du bruit, je me demandais bien ce qu’ils avaient tous organisé. Après la journée parfaite que je venais de vivre, la soirée avait intérêt à être à la hauteur. Bizarrement, je n’en avais aucun doute. Un petit mot accroché à ma porte m’ordonnait d’enfiler ce qu’il y avait dans le sac posé juste à côté.
- 1 t-shirt arc en ciel
- 1 legging violet American Apparel
- 1 paire de Converse turquoise
- 1 bandeau jaune
Je ne m’étais pas trompé de soirée. C’était bien la Simon’s Colourful, Eccentric and Funky B-Day Party ! Boris et Virgil entrèrent dans l’appartement en premier et me laissèrent sur le palier pour me changer. Encore une minute avant de sauter dans l’inconnu. J’enfilai ma tenue de rainbow warrior, passai machinalement une main dans mes cheveux pour me recoiffer, pris une profonde et longue respiration.
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