dimanche 10 janvier 2010

Chapitre 17 -Les 4 Fantastiques-



Samedi 29 Août



« Oui c’est ce soir. J’espère que ça va aller. Franchement, je suis sûr que je vais encore pleurnicher bêtement. En ce moment, c’est tous les jours. Mais bon, je sais que là, je ne vais pas être tout seul, les deux autres ne vont certainement pas retenir leurs larmes. Il y a bien que Pierre qui va sauver l’honneur. Et toi mon chéri, tu vas faire quoi ce soir ?
- Je vais manger chez Eléanore. Et après je vais aller boire un verre avec Hedi. C’est bête à dire mais depuis qu’il a fait ta connaissance, lui et moi on est vachement plus proches alors que ça fait bien deux ans que je le connais et qu’on n’avait jamais véritablement parlé.
- Faut dire qu’il est vraiment gentil. C’est vraiment un mec adorable. Et il a l’air d’être fidèle en amitié. Ça se voit tout de suite. Pas du genre à te faire des coups de pute en douce. Enfin c’est ce que je ressens.
- Ouais je crois aussi. Et puis, en parlant avec lui la dernière fois j’ai appris pas mal de trucs à son sujet et il a traversé des moments pas marrants.
- Ah ouais ? Genre ?
- Genre sa famille a fuit l’Iran quand il était petit. Son père est mort d’un cancer il n’y a pas six mois. Mais ça, il n’en parle pas aussi facilement. Bref, c’est un gamin que t’as envie de protéger. C’est bizarre à expliquer.
- Je vois ce que tu veux dire. Tu l’embrasseras de ma part quand tu le verras. Vous allez aller où ?
- Sûrement à Bastille mais je ne sais pas encore trop où. Et vous ? Vous mangez où ?
- On va dans un indien pas très loin de chez nous. Près de l’église Saint Vivien mais je ne suis pas sûr que ça te parle...
- En effet, je ne vois pas trop. Vous allez dans un indien alors que Pierre part demain pour l’Inde ?
- Justement, c’est symbolique. D’ailleurs, je vais aller me préparer parce que je voudrais prendre une douche et dans vingt minutes faut que je sois en bas.
- Tu vas aller prendre une douche ?
- Ben oui pourquoi ?
- Pour rien...Juste que j’aimerais être là en ce moment...Aller sous la douche avec toi et me laver avec ton savon qui sent si bon...
- Arrête. Tu me donnes trop envie là. J’ai hâte de te voir tu sais.
- Je sais. Encore quelques jours et j’arrive. Demain je vois mon père, mardi, Virgil et après je suis tout à toi mon chéri. Maintenant, file, je ne voudrais pas te mettre en retard.
- Je t’aime Boris.
- Moi aussi, je t’aime. »

25 minutes plus tard, j’étais fin prêt. J’avais mis ma plus belle veste et mon slim le plus sexy pour Pierre. Le temps de passer le chercher à son appartement et nous étions dans la rue où Clara et Norma nous attendaient déjà. Et là, surprise...
« Mais qu’est ce que c’est que ça ? C’est bien vous les filles ?
- Ben oui c’est nous tu ne nous reconnais pas ?
- Vous êtes magnifiques. Pas vrai Simon ?
- Grave. Vous les avez trouvés où vos saris ?
- C’est la mère d’une copine à moi qui nous les a prêtés. Contente que ça te plaise Pierre. Il fallait bien marquer le coup ! Et t’as vu la rue ? »
Elles avaient pour l’occasion allumé des dizaines de bougies le long de la rue Eau de Robec, qu’elles avaient mises dans des photophores de toutes les couleurs et comme si cela ne suffisait pas, elles avaient également dispersé des pétales de roses partout où nos regards se posaient. C’était magnifique. J’avais l’impression d’être sur le tournage d’une superproduction bollywoodienne et je m’attendais à tout moment à ce que les deux Ashwarya se mettent à chanter d’une petite voix aigüe une obscure histoire de vol de goyaves tout en roulant des yeux et en bougeant gracieusement les bras et les jambes. Ça m’aurait bien fait rire je crois.
« Vous êtes folles d’avoir fait tout ça ! Vous êtes sûres au moins qu’on a le droit ?
- On en sait rien mais après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on fête ton départ pour l’Inde alors on peut bien faire ce qui nous chante. Bon on va peut-être quand même filer d’ici histoire de ne pas finir au poste dans nos beaux saris. Je ne voudrais pas les abîmer.
- Oui déjà que...
- Déjà que quoi ?
- Ben en fait, je ne savais pas comment te le dire mais j’ai fait une connerie avec mon sari... J’ai essayé de le repasser parce que je le trouvais un peu froissé.
- Quoi ? T’as pas fait ça quand même ? C’est juste une grosse blague pas drôle ?
- C’est de la soie Clara. Ça ne se repasse pas la soie. Ça te viendrait à l’idée de repasser un carré Hermès ?
- Oh ça va, en rajoute pas Simon.
- Et donc, il y a un trou j’imagine ?
- Ben ouais un gros trou que j’ai caché en le drapant... Suis vraiment désolée Norma. Vous auriez vu quand j’ai approché mon fer à repasser, comment le tissu s’est soulevé comme s’il était aspiré, trop bizarre... Je me suis sentie trop bête !
- Pas besoin des détails ! Abstiens-toi ! T’es vraiment un boulet ! Comment je vais faire pour expliquer ça à la mère de Sultana ?
- Bon vous n’allez pas vous engueuler ! Ce soir c’est ma soirée alors stop ! S’il le faut, dès mon arrivée je vous expédierai un sari. Je vais bien en trouver un du même style là-bas ! Et maintenant, on va manger, j’ai trop la dalle ! Allez hop !
- Chef, oui chef ! »

C’était la première fois que nous allions dans ce restaurant qui, pourtant, se trouvait à deux minutes de chez nous. Le Royal Indien. Dès notre arrivée, le serveur, un petit bonhomme, vint nous accueillir en nous serrant la main et en nous parlant comme si nous étions des amis de longue date rencontrés lors d’un pèlerinage à Dharamsala. L’atmosphère était chargée d’épices, le décor subtilement kitsch, la carte offrait tout ce que l’on pouvait espérer en matière de cuisine indienne. Du poulet tandoori, des chappattis, de la soupe de lentilles, de l’agneau vindaloo, des nans, du poulet massala. Nous en avions l’eau à la bouche. Tout était réuni pour que nous passions la meilleure des soirées. La plus inoubliable aussi. Il était grand temps d’engranger plein de nouveaux souvenirs.

«  Je voudrais porter un toast à toi, Pierre. J’ai toujours rêvé de faire ça alors c’est le moment idéal. A toi, une des personnes les plus importantes de ma vie parce que même si tu n’es pas très bruyant et pas vraiment du genre à t’imposer, je sais que tu es toujours là, pas loin et ça, ça n’a pas de prix. Et j’ai le sentiment que même à des heures de moi, il en sera toujours de même. Alors merci infiniment.
- Merci Norma. Ça me touche énormément. Mais faut pas tous vous y mettre parce que sinon je vais me mettre à pleurer.
- C’est exactement ce qu’on veut ! Te voir pleurer au moins une fois. Histoire de nous prouver que tu es humain. Bon c’est à moi. Alors Pierre, tu sais déjà ce que je pense de toi, j’ai eu l’occasion de te le dire plus d’une fois cette semaine. Tu es mon ange gardien et je dois l’avouer, un peu mon fantasme inaccessible. Alors rien que pour ça, merci d’être toi et je n’ai pas dit mon dernier mot pour le bisou avec la langue.
- Ouh la, attention, ça devient hot alors qu’on n’a même pas encore attaqué le tandoori. Bon Simon, je vais tâcher de reconsidérer ton offre encore une fois mais je ne te promets rien.
- Ah, enfin tu te décides à être raisonnable !
- Bon quand vous aurez fini votre discussion d’obsédés, je pourrai parler. Faites moi signe.
- Non vas-y Clara.
- Ben je ne vais pas en rajouter des caisses parce que ce que Norma et Simon ont dit, je le pense aussi. Mais tu vas grave me manquer grand couillon et, putain je ne voulais pas me mettre à pleurer...
- Arrête. Je ne pars pas à la guerre. On va se revoir.
- Je sais mais tu pars et c’est du pareil au même. Je ne vais plus te voir tous les matins, enfin les midis, quand tu vas acheter ton pain. Je ne vais plus pouvoir t’emmerder quand j’aurais un meuble à monter, ou une fuite d’eau à réparer. Tu ne seras plus là et ça me fait grave chier. Je crois qu’en fait la plus grosse connerie que j’ai pu faire c’est de te quitter. Je n’aurais jamais dû.
- On ne va pas revenir là-dessus Clara. Ce n’est pas le moment ni l’endroit.
- Je sais. Je tenais juste à ce que tu le saches c’est tout. Excusez-moi, je vais vite fait aux toilettes.
- Ça n’était pas franchement le moment de me faire culpabiliser. Elle abuse quand même.
- Elle traînait ça depuis longtemps tu sais, il fallait qu’elle te le dise. Essaye de la comprendre.
- C’est tout sauf évident.
- Moi je ne dirai qu’une seule chose, il doit y avoir un truc dans l’air parce qu’en ce moment, les ex adorent revenir en rampant et en voulant remettre le couvert. C’est étrange.
- T’es con Simon. T’es bourré ou quoi ?
- Non, non, juste lucide. Il en faut plus pour que je sois saoul. T’as oublié ?
- Bon en attendant, ta goule, elle revient. »

Une heure plus tard, nous étions rassasiés. Nous avions mangé pour l’année et bu comme si c’était notre dernier jour sur Terre. Faut dire aussi que le petit serveur n’arrêtait pas de nous resservir et de nous rapporter une nouvelle bouteille dès que nous en avions fini une. La société de consommation était vraiment partout. Les indiens étaient vraiment des êtres pousse-au-vice si on y réfléchit bien !
« Après on finit la soirée chez moi ? Comme à la grande époque !
- Ben oui carrément. La réunion des 4 Fantastiques ! Autant imprégner une dernière fois ce lieu avant que quelqu’un d’autre ne prenne ta place.
- Oui d’ailleurs faudrait briefer ton père pour le nouveau locataire.
- Déjà fait. Je lui ai dit de ne pas louer l’appart à n’importe qui et il me l’a promis.
- Ah c’est cool ! Parce qu’on avait un peu peur quand même.
- Don’t worry. Bon et sinon, il y a quand même un truc que j’aimerais voir avec vous avant de partir. Parce que je ne vais pas vous laisser en plan sans vous faire chier une dernière fois et vu qu’à priori on ne va pas se voir pour le Nouvel An, j’aimerais qu’on prenne des résolutions pour les mois à venir et qu’on les tienne surtout.
- T’es vraiment le rabat-joie de service quand tu t’y mets !
- Non arrête Norma, ce n’est pas une mauvaise idée je trouve.
- Toi, tu dis juste ça parce que tu espères niaisement qu’il t’embrasse.
- Bon alors je commence si vous le voulez bien.
- Vas-y, on t’écoute !
- Ben moi, pas vraiment de résolutions.
- Bonjour l’arnaque... Monsieur Faites ce que je Dis mais pas ce que je Fais...
- Non c’est juste que j’ai juste décidé de vivre. Et pas de survivre. J’ai envie de prendre le soleil, de m’amuser, de ne pas penser à des choses qui me pourrissent le cerveau. Je veux voir des choses, rencontrer des gens, expérimenter et trouver ce pourquoi je suis fait. Ça devrait bien être possible, vous ne croyez pas ?
- Oui ça semble faisable. Enfin, je l’espère pour toi.
- J’ai foi ces derniers temps. Bizarrement, c’est un truc que je n’avais jamais eu auparavant. Bon et toi Norma alors ? Ta ou tes résolutions ?
- Moi je veux juste me trouver un copain.
- Ça ce n’est pas une résolution, c’est juste l’histoire de ta vie.
- Ah-ah-ah, très drôle... Non sérieux, j’ai envie de rencontrer quelqu’un et de partager des choses avec lui. Mais on est d’accord, ça veut pas dire que je veux m’installer avec quelqu’un, ça j’ai déjà donné. Et moi, quand je dis ça, je sais que je vais m’y tenir, si vous voyez ce que je veux dire...
- Bizarrement, je me sens un peu visé...
- Je ne vois pas pourquoi. Ah oui, et je voudrais aussi trouver un autre job, j’en ai marre de bosser à Paris.
- Ouais, tu dois pouvoir trouver un truc similaire à Rouen, c’est clair.
- Ouais mais même, je ne suis pas sûre de vouloir jouer à la vendeuse toute ma vie. Et puis envie de gagner un peu plus que le SMIC. Bref, l’avenir le dira, le plus important c’est le mec là. C’est la grosse priorité !
- Peut-être qu’avec Justin ça va le faire ?
- Justin c’est qui ça ?
- Je ne t’en ai pas parlé non plus ? J’ai pourtant l’impression d’avoir saoulé tout le monde avec ce mec.
- Y’a que moi que t’as saoulée avec ça...
- Oh ma pauvre. Ça devait être parce que je sentais que quelques mois après, tu allais ruiner un magnifique sari en voulant le repasser.
- Tu ne vas pas recommencer avec ça Norma ! Alors c’est qui ?
- Un type canon que j’ai rencontré au Vicomté au mois de mai. Je le vois la semaine prochaine. Jeudi soir normalement.
- Faudra que tu m’envoies un mail alors. Je veux tout savoir ! Il a un facebook histoire que je voie si c’est un type pour toi ?
- J’en sais rien s’il a un facebook. Je ne connais même pas son nom. Et puis, c’est bon, j’ai pas besoin d’un chaperon ! Bon et toi Clara ? Tes résolutions ? Arrêter de faire des choses irréfléchies avec des vêtements en soie ?
- Putain ! Tu vas me poursuivre encore longtemps avec ça ? Je me suis excusée c’est bon là ! Ben moi, je ne sais pas trop. Reprendre mes études comme vous savez et essayer d’avoir ce foutu diplôme. Et peut-être passer mon permis aussi. Sinon, je ne sais pas.
- Ben c’est déjà pas mal. Ça va t’occuper un bon bout de temps.
- Ouais et puis moi, je ne vais pas dire que j’attends l’amour parce que ça serait faux. Je vais faire un petit break là. Les mecs, j’ai eu mon compte...
- Essaye les filles.
- J’y ai déjà songé figurez-vous mais je crois que je ne serais pas à l’aise. Bon et toi Simon ? Non attends, laisse-moi deviner... Etre heureux avec ton Boris et roucouler encore et encore ?
- T’es vraiment aigrie quand tu t’y mets. Y’en a pas une pour rattraper l’autre ce soir ! Pierre, t’as vu avec qui tu m’abandonnes ?
- Je suis en train de réaliser oui. Mais hélas, il est trop tard pour faire machine arrière. Désolé mon Simon.
- Merci. Vive les amis ! Alors moi, c’est simple et c’est en trois points. Petit un...
- On reconnaît bien le prof là.
- Laisse-moi parler sinon je te colle une punition !
- Oh oui, corrigez-moi Monsieur le Professeur !
- Vivement ton rencard de jeudi ! J’ai que ça à dire... Bon donc, d’abord faire tout pour que ça dure avec Boris parce que je tiens à lui. Je m’en rends compte de plus en plus.
- Qu’est ce que je disais !
- Ensuite, réfléchir à un autre travail également parce que ce n’est pas nouveau, enseigner ça ne m’amuse pas.
- Pauvre enfant gâté...
- C’est pas ça mais je suis comme Norma, je ne me vois pas faire prof toute ma vie.
- Moi je suis vendeuse de maillots de bain ! Nuance !
- Non mais même, je n’ai pas d’autorité naturelle pour ça. Quand je suis sévère, je suis grillé, ça se voit trop. Un jour ou l’autre, ça va me retomber dessus.
- Ouais, tu te rends surtout pas compte de la chance que t’as. Passons, ça va m’énerver. Le dernier point alors ?
- Aider Boris à faire ce qu’il a envie de faire. Je sais qu’au fond il n’est pas aussi heureux qu’il pourrait l’être. Et ce, malgré l’argent, l’appart face à Notre Dame et tutti quanti... Il a besoin d’aide.
- Simon le Sauveur des Beaux Gosses Pleins Aux As !
- A ce que je vois, on a tous du pain sur la planche ! On a intérêt à assurer et vous avez tous intérêt à m’envoyer des mails pour me tenir au courant ! Sinon ça va chauffer et je reviendrai vous botter les fesses !
- Alors si c’est ça, on ne va pas du tout te donner de nouvelles ! »

Comme prévu, nous avons fini la soirée chez Pierre. Ce qui avait été auparavant son salon était maintenant rempli de carton. Il avait beau n’avoir que 27 ans, il en avait accumulé du bordel. Des objets en tout genre, des ‘attrape-poussières’ comme il les appelait. Sur la plupart des boîtes, il y avait écrit FRAGILE. Bizarrement, ça m’attendrissait. Il avait beau se la jouer indépendant et baroudeur, il n’en restait pas moins inquiet à l’idée qu’un de ces nombreux bibelots puisse se retrouver cassé pendant le déménagement. C’était tout Pierre ça en fait. Un mélange de je ne veux pas avoir d’attaches et d’un autre côté toute ma vie ne tiendrait jamais dans un sac à dos. Je l’aimais tellement. Je repensai à ce jour d’avril où on l’avait retrouvé inanimé dans sa cuisine, à son visage ce jour-là. Tellement pâle. Ses yeux, tellement tristes, tellement éteints. Je sentis une boule grossir dans ma gorge. J’avais peur qu’il ne rechute. Il serait si loin de nous, comment pourrions-nous le savoir ?

«  Ça va Simon ? Depuis qu’on est arrivé tu ne dis plus rien ?
- C’est juste que ça me fait bizarre de voir ton appartement comme ça. Je repensais à toutes les soirées qu’on y avait faites. Aux trucs qui s’y sont passés...
- Tu penses à quoi ?
- Je ne sais pas moi... C’est chez toi que j’ai embrassé Elias pour la première fois. Là, juste là, près de la fenêtre...On s’était planqué derrière les gros rideaux en velours que tu avais à l’époque.
- Dossier ! On apprend des trucs !
- C’est aussi chez toi que j’ai goûté du wasabi pour la première fois.
- Ah oui, ça tout le monde s’en souvient. Tu croyais que c’était du guacamole ! Je me rappelle ta tête. T’étais rouge ! Ce n’est pas beau de se moquer mais c’était très drôle quand même.
- En effet. Après coup, c’est plutôt drôle mais sur le moment, j’ai dégusté.
- C’est le cas de le dire !
- Ah et vous vous souvenez de la  fois où Norma a fait des trucs salaces avec Akim sur ton canapé ?
- Oui ! Ça aussi, c’est inoubliable !
- Oui ben je n’ai pas trop envie d’en reparler. C’était beaucoup plus drôle quand on ouvrait tes vieux dossiers Simon. En parlant de ça, vous vous souvenez du jour où...
- Non vas-y Simon raconte. Je m’en souviens très bien mais j’ai encore envie d’entendre cette histoire !
- Tu me cherches ce soir Clara ! Je vais finir par t’étouffer avec ce maudit sari. Foutu pour foutu...
- Non, je ne vais pas en dire plus mais tout le monde se rappelle du petit mouvement de va et vient que faisait ce coussin.
- Coussin que j’ai jeté dès que vous êtes partis soit dit en passant... »

Jusque très tard nous avons raconté nos meilleurs souvenirs même des choses tellement futiles qu’un non-initié nous aurait pris pour des fous échappés de l’asile. Des petits riens qui mis bout à bout faisaient une montagne de souvenirs. Pourquoi n’avait-on pas toujours un appareil photo avec nous pour immortaliser ces instants ? A 7h et alors que Clara et Norma commençaient à s’endormir sur le canapé, nous décidâmes qu’il était grand temps de laisser Pierre filer vers son Destin indien, son Nirvana. Il ne restait plus qu’une heure avant que son père ne vienne le chercher pour l’emmener à l’aéroport. Comme je m’y étais attendu, il y eut des larmes, des baisers et des câlins. Une dernière fois, il nous fallait regarder ce visage, ces yeux verts, ces cheveux si noirs, ces fossettes et leur dire au revoir, à bientôt. En partant, et alors que les filles avaient déjà regagné leurs appartements respectifs, Pierre me retint par la main.
« Je veux vraiment que tu fasses attention à toi et aux filles. C’est toi l’homme de la maison maintenant.
- Oui, oui Papa.
- Non mais sérieusement, je ne veux pas qu’il vous arrive quelque chose pendant que je suis loin de vous, ni même quand je suis à côté d’ailleurs.
- Oui je sais. Ne t’inquiète pas, je saurai me montrer à la hauteur.
- Et embrasse Boris quand tu le verras, je n’ai pas pu bien le connaître pour le moment mais je sais que c’est un garçon bien et que c’est le garçon qu’il te faut.
- Merci, c’est gentil de me dire ça. C’est la première fois qu’un de mes amis me dit ça pour lui. Je commençais à croire que vous ne l’aimiez pas. Je l’embrasserai de ta part, promis. Bon je vais te laisser, tu dois avoir envie d’être un peu seul avant toute la frénésie qui t’attend. Fais attention à toi aussi surtout. C’est primordial. Et si ça ne va pas, envoie un mail ou essaie de m’appeler. Et pas de conneries surtout.
- Je te le jure Simon. Ah, attends, juste un dernier truc... »

Et là, il m’a embrassé. Longtemps. Sur la bouche. Ses mains caressaient ma nuque, mes cheveux. J’étais partagé entre l’envie de l’en empêcher et celle de lui dire de continuer. Il embrassait tellement bien. Je me sentais bien. J’avais l’impression que ce baiser me donnait la force d’avancer et d’avoir foi en l’avenir. Pierre était mon ange gardien, ça ne faisait plus l’ombre d’un doute.

« N’y vois rien de plus qu’un baiser entre deux bons amis mais depuis le temps que tu me le réclames, il faut bien que ta patience soit récompensée à un moment ou à un autre. Allez, file maintenant. Et ne te retourne pas...»

A 13h15, alors que les photophores avaient tous quasiment déserté la rue, que les pétales s’étaient envolés et que l’avion de Pierre décollait vers Bombay, mon cœur s’est serré. Oh, pas longtemps, juste quelques secondes. Puis, une larme a coulé. La dernière avant longtemps.